Le jeudi 1er avril, une soixantaine de membres du Laboratoire ont pariticipé au premier "séminaire Ampère" :
Titre du séminaire : « Ils ne mourraient pas tous,
Mais tous étaient touchés… ». Pour une recherche Socialement Responsable.
Intervenant : J.C. André INSIS – CNRS
Horaires et lieu : Jeudi 1 Avril 2010, 13h30-16h00 - Ecole Centrale de Lyon, amphi 201.
Résumé :
« Ils ne mourraient pas tous,
Mais tous étaient touchés… »
Pour une recherche Socialement Responsable (RSR)
J.C. André
INSIS – CNRS
ECL - 01-04-10
Il est possible de poser comme postulat le risque induit par le non-rapprochement entre le point de vue d’un progrès technique indéfini au nom d’un bénéfice financier « optimal », et si possible immédiat, et la « satisfaction » de la Société et des citoyens, à court, moyen et long termes. Or, permis par la Science, le progrès technologique issu des entreprises engagées dans le développement de leur performance en vue d’une compétitivité accrue, indispensable dans le système de valeurs actuel, est rapide, mais n’a que peu d’effet sur le progrès moral, qui lui, est plutôt lent... Cependant, il est important de souligner que, quel que soit le système de valeurs occidentales, la notion de préservation de l’intégrité humaine est acceptée par tous. Mais, les règles par lesquelles la société essaie d’atteindre cet objectif sont relatives à une situation sociale donnée, dans un espace-temps spécifique. Or, face à l’évolution sociotechnique accélérée, la gestion du risque possible et/ou effectif est caractérisée par une certaine inertie, s’appuyant sur la tradition et les accords sociaux précédents. Depuis peu, après plusieurs crises, a émergé en France le principe de précaution et visiblement l’élaboration de nouvelles normes apparaît comme une entreprise précaire, affligée d’incertitudes considérables.
On peut se poser la question de savoir si, dans notre monde en mutation, il est (encore) possible de proposer des actions visant à rapprocher les valeurs entre « Recherche scientifique », « Entreprises » et « Société », si on peut espérer développer un système où l’innovation par la science sera légitimée par son utilité soci(ét)ale. Or, le collectif se perd, la société des individus se développe, et avec elle des conflits d’intérêt entre recherche, innovation et productions industrielles d’une part, citoyens et Société d’autre part. En termes d’accidents, la société moderne apparaît comme moins dangereuse qu’il y a quelques dizaines d’années, même si des tendances lourdes émergent : la relation complexe au progrès technique, à l’environnement et au travail, l’exclusion, la violence, le stress, la peur du lendemain, la perte de repères,... le tout situé dans un bruit médiatique intense. Le but de cet exposé est certes d’évoquer ces tendances dans un contexte ambivalent de perception sociale, mais aussi de souligner l’importance du cadre culturel pour un meilleur accord entre la société et le monde de l’innovation, dont celui de la recherche qui en fait partie. La question est posée de savoir si nous nous situons dans un écoulement temporel déterministe avec risque de bifurcations ou, au contraire, si nous disposons comme le prévoit Bruxelles (2004) de la réflexion et du recul nécessaires pour redéployer de la confiance entre concepteurs et utilisateurs ?
Par ailleurs, de grands enjeux émergent (développement durable par exemple) et, dans ce contexte de moindre confiance, la recherche, dont la nécessaire utilité sociale est rappelée par l’UE, est questionnée et doit permettre de rassembler et d’utiliser les ressources disponibles, de lever les obstacles et éventuellement de transformer les opposants en partenaires pour l’amélioration du bien-être des citoyens. Cette situation impose des fonctionnements moins autistes et la sortie responsable de ses silos disciplinaires. C’est sur cette base de renforcement de ses liens avec la Société que l’Institut INSIS du CNRS met en place des actions en Recherche Socialement Responsable. Les nanotechnologies amenées au débat suite au Grenelle de l’environnement pourront, si nécessaire, servir d’exemple d’une situation où sciences, applications sont amenées à s’expliquer (sans qu’elles soient bien préparées au débat et dans un contexte où la rationalité de l’expertise est souvent insuffisante) devant des acteurs de la Société (qui eux disposent plutôt d’une argumentation rodée). L’éthique de la recherche, ce n’est donc pas un produit cosmétique pour les autres… Les chercheurs dans ce cadre sont-ils encore des citoyens éclairés ou simplement de bons professionnels ? Seront-ils encore crédibles longtemps vis-à-vis de la Société ? Dans le cas où ils perdraient leur légitimité sociale, comment (et par qui) la recherche serait-elle alors contrôlée ou évaluée ?
Ainsi, et on l’aura compris, l’objet de cette présentation est de provoquer la réflexion pour le débat, mais sans doute pas d’apporter des solutions robustes aux problèmes émergents d’une recherche « qui a commis le péché » (mais quel bon chercheur n’en n’a pas envie ?) et dont l’innocence neutre se dilue de plus en plus dans des relations économiques bien financées (et à une autre forme de contrôle des chercheurs) conduisant au progrès technologique susceptible d’être mis en cause de manière radicale par la Société.
Bref, « ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés »…