Jury :
- Michael GILLINGS - Full Professor, Macquarie University, Department of Biological Sciences (Australie) - Rapporteur
- Elizabeth WELLINGTON - Full Professor, University of Warwick, School of Life Sciences (Royaume Uni) - Rapporteur
- Timothy VOGEL - Professeur, HDR, Université Claude Bernard - Directeur de thèse
- Sabine Favre-Bonté - Maître de conférences, HDR, Université Claude Bernard - Examinatrice
- Graeme NICOL - Directeur de recherche, HDR, CNRS - Examinateur
- Kornelia SMALLA - Full Professor, Julius Kühn Institut, Institute for Epidemiology and Pathogen Diagnostics (Allemagne) - Examinatrice
- Laurence DELAURIERE - Docteur, Senior Application Specialist (Promega France) - Invitée
Résumé :
Depuis la découverte des antibiotiques au cours du XXème siècle, l’antibiothérapie a considérablement réduit la mortalité causée par les bactéries pathogènes. Cependant, au cours des dernières décennies, la communauté humaine est continuellement confrontée à de nouveaux cas cliniques de résistance aux antibiotiques et à l’émergence de clones multirésistants dans le monde entier, ce qui peut entraîner l’échec de l’antibiothérapie et le début d’une ère post-antibiotiques. Les antibiotiques et la résistance aux antibiotiques sont sur terre depuis des milliers d’années avant la découverte des antibiotiques. Cependant, l’industrialisation et l’utilisation extensive des antibiotiques chez l’homme et l’animal ont imposé une pression sélective sans précédent sur les communautés bactériennes, accélérant le développement de la résistance aux antibiotiques à l’échelle mondiale. Les antibiotiques sont utilisés dans le monde entier non seulement pour traiter les maladies causées par des agents pathogènes humains, mais aussi à des fins thérapeutiques et de stimulation de la croissance dans les fermes, l’aquaculture et l’agriculture. En raison des activités anthropiques, des concentrations résiduelles d’antibiotiques, des gènes de résistance aux antibiotiques et des bactéries résistantes aux antibiotiques atteignent l’environnement principalement via les stations d’épuration des eaux usées, la fertilisation du fumier ou des déchets des usines de production d’antibiotiques. Cela peut entraîner le développement et la sélection de résistance aux antibiotiques dans l’environnement et la dissémination des gènes de résistance aux antibiotiques et des bactéries résistantes aux antibiotiques de l’environnement aux microbiomes animaux et humains. Néanmoins, l’amplitude de ce phénomène reste inconnue.
L’objectif de cette thèse était d’évaluer la réponse du microbiome et du résistome environnementaux à la pollution chimique par des antibiotiques, ainsi qu’à la pollution biologique causée par les activités humaines. Dans un premier temps, une étude méthodologique comparant cinq méthodes d’extraction d’ADN et quatre méthodes d’extraction d’ARN a été réalisée pour évaluer l’effet de l’extraction d’ADN et de la profondeur de séquençage sur la découverte de la richesse taxonomique, fonctionnelle et de gènes de résistance aux antibiotiques du sol. Alors que la profondeur de séquençage avait un impact plus fort que l’extraction d’ADN sur la découverte de la richesse taxonomique et fonctionnelle, une grande variabilité dans la découverte de la richesse de gènes de résistance aux antibiotiques a été observée entre les triplicats, quelle que soit la profondeur de séquençage. En outre, certaines méthodes semblaient mesurer une richesse de gènes de résistance aux antibiotiques plus élevée que d’autres. Sur la base de cette étude, une méthode semi-automatisée a été sélectionnée pour l’extraction d’ADN à partir de sols pollués par des antibiotiques.
Dans un second temps, deux études utilisant des microcosmes ont été menées pour évaluer les effets de la pollution par des antibiotiques sur le microbiome et le résistome d’un sol agricole de la Côte de Saint André (France) et de l’eau du Rhône (France) en utilisant une combinaison des cultures et d’approches métagénomiques/qPCR. Les concentrations sous-inhibitrices et inhibitrices de gentamicine pour les bactéries du sol et de l’eau enrichies en milieu de culture ont été déterminées en évaluant la croissance bactérienne. Les microcosmes du sol ont été pollués avec une gamme de concentrations inhibitrices de gentamicine, tandis que les microcosmes de l’eau ont été pollués avec deux concentrations sous-inhibitrices et une concentration inhibitrice, afin d’établir des liens entre la dose de gentamicine et l’ampleur de la réponse dans le microbiome et le résistome environnementaux à différents temps d’exposition. Ces deux études illustrent comment les effets du même antibiotique sur différents environnements sont fortement dépendants des facteurs environnementaux et des propriétés physico-chimiques. Alors que des concentrations inhibitrices allant jusqu’à 1 mg de gentamicine par gramme de sol étaient fortement adsorbées sur les particules du sol et n’avaient pas d’effets significatifs sur le microbiome ni le résistome du sol après 8 jours d’exposition, une concentration sous-inhibitrice de 50 ng de gentamicine par ml d’eau pendant 2 jours d’exposition impactait la composition des communautés bactériennes totales et actives et l’abondance et l’expression des gènes de résistance à la gentamicine. Ces résultats supportent la crainte que les concentrations sous-inhibitrices d’antibiotiques puissent sélectionner des résistances dans l’environnement et méritent donc plus d’attention lors de l’évaluation des risques associés à la pollution environnementale par des antibiotiques. De plus, cette recherche souligne les limites des termes « sous-inhibiteur » et « inhibiteur » dans des environnements complexes et l’importance d’effectuer des études en utilisant des microcosmes et des études de terrain afin d’évaluer les effets de la pollution par des antibiotiques sur le résistome environnemental.
Pour terminer, une étude de terrain a été menée sur des échantillons de neige obtenus des Sudety Mountains (Pologne) soumis à différentes expositions aux activités humaines et à différentes quantités de végétation autour, afin d’évaluer l’impact de facteurs anthropiques et environnementaux sur le microbiome et le résistome de la neige en utilisant une approche métagénomique / qPCR. Cette recherche fournit des éléments qui supportent l’hypothèse selon laquelle des facteurs environnementaux et anthropiques ont un impact sur l’écologie de la neige et induisent des changements dans le microbiome et le résistome de la neige en fournissant aux communautés bactériennes des niveaux plus élevés de carbone organique et d’autres nutriments. Cela favoriserait la croissance d’une communauté bactérienne plus abondante, qui à son tour augmenterait l’abondance des gènes de résistance aux antibiotiques et pourrait stimuler la compétition et la prolifération de ces gènes dans la neige. Étant donné que les activités anthropiques induisent des modifications sur le résistome de la neige en ayant un impact limité sur les composants principaux du microbiome, les effets de cette pollution sont probablement générés par un apport accru de matière organique provenant de déchets générés par les humains plutôt que par l’apport direct de gènes de résistance aux antibiotiques et de bactéries résistantes aux antibiotiques du microbiome humain. Cette pollution organique pourrait stimuler le développement d’une résistance aux antibiotiques dans le microbiome de la neige qui pourrait ensuite être disséminée dans l’atmosphère ou à travers la fonte des neiges. Les recherches menées dans cette étude mettent en évidence la nécessité de faire des études sur le développement de la résistance aux antibiotiques dans des environnements pollués par les activités humaines et la prise en compte des sources organiques de pollution en plus des polluants biologiques (gènes de résistance aux antibiotiques et bactéries résistantes aux antibiotiques).
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